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Les grands évènements

Absence de communauté linguistique pour les sourds
Les entendants commencent à s’occuper des sourds
Les sourds s’occupent d’eux-mêmes
- La naissance d’une culture et la reconnaissance d’une langue des sourds
- Le travail de l’abbé de l’Epée et l'invention des « signes méthodiques »
- Problèmes soulevés par les signes méthodiques
Les successeurs de l’abbé de l’Epée
La culture des sourds fleurit
L’interdiction d'une langue
Une nouvelle reconnaissance de la langue des signes française (1977-1997)
 
Les sourds s’occupent d’eux-mêmes

      La naissance d’une culture et la reconnaissance d’une langue des sourds

Vers 1710 à Amiens, un sourd de naissance, Etienne de Fay dit « le vieux sourd d’Amiens », parvenu à être professeur, architecte et dessinateur, faisait l’école en gestes à des enfants sourds dans l’Abbaye Saint-Jean.

En 1779, apparaît le premier livre écrit par un sourd : « Observations d’un sourd-muet ». L’auteur Pierre Desloges, relieur de métier et colleur de papier pour meubles, est devenu sourd a l’âge de sept ans. Il établit clairement qu’une langue des signes structurée était couramment utilisée en France bien avant l’invention des signes méthodiques de l’abbé de l’Epée. « Dans les commencements de mon infirmité et tant que je n’ai pas vécu avec des sourds et muets, je n’avais d’autre ressource pour me faire entendre que l’écriture ou ma mauvaise prononciation. J’ai ignoré longtemps le langage des signes. Je ne me servois que de signes épars, isolés, sans suite et sans liaison. Je ne connaissois point l’art de les réunir, pour en former des tableaux distincts, au moyen desquels on peut représenter ses différentes idées, les transmètre à ses semblables, converser avec eux en discours suivis et avec ordre. Le premier qui m’a enseigné cet art si utile est un sourd et muet de naissance, Italie de nation, qui ne sait ni lire, ni écrire ; il était domestique chez un Acteur de la Comédie Italiène » (Desloges, Observations d’un sourd muet. Op cit, préface, p12-13).

      L’on comprend alors que le système de communication gestuelle qui fonctionnait alors entre les sourds était une véritable langue. Desloges soutient que sa langue permet d’exprimer avec précision les « pensées les plus indépendantes des sens » c’est à dire même les abstractions, tout le domaine conceptuel.

      Le travail de l’abbé de l’Epée


L’invention des « signes méthodiques »

      Au tout premier abord l’abbé de l’Epée ne connaissait que quelques gestes appris de ses premiers élèves sourds. Vers 1760, il crée chez lui une petite école où il reçoit gratuitement tous les enfants sourds qu’on lui confie. Son but était de leur enseigner le français (écrit).
      Ainsi aidé de certains gestes naturels de ses enfants et d’autres signes de son invention il a organisé un système spécialement conçut pour l’enseignement du français. Par « signes méthodiques » il entendait non seulement les gestes naturels de ses élèves pour exprimer des choses ou des idées mais aussi les autres signes de son invention (signes grammaticaux ) pour indiquer le temps, les personnes, les genres et les fonctions grammaticales du français. Citons-le dans un exemple :
Inintelligibilité : « Je n’ai eu besoin que de cinq signes exécutés dans un instant comme vous venez de le voir. Le premier annonçait une action intérieure, le second représentait l’action d’une âme qui lit intérieurement, c’est à dire qui comprend ce qu’on lui propose, le troisième déclarait que cette disposition était possible. Cela ne donne-t-il pas le mot intelligible ? Mais pour un quatrième signe, en transformant cet adjectif en qualité abstraite, n’en résulte-t-il pas le mot intelligibilité ? Enfin, par un cinquième, en y ajoutant une négation, n’avons-nous pas le mot entier inintelligibilité ? »(Bertier, Les sourds-muets avant et depuis l’abbé de l’Epée, p.76-77).
Alors que pour l’abbé de l’Epée ce mot nécessitait 5 signes, les élèves entre eux n’en utilisaient que deux : « impossible » et « comprendre ».

Problèmes soulevés par les signes méthodiques

      En fait les signes méthodiques étaient une méthode efficace de dictée visuelle mais sûrement pas une langue. De ce fait les élèves comprenaient rarement ce qu’ils écrivaient en français. Malheureusement malgré un énorme travail, l’Abbé de l’Epée était loin d’être parvenu au développement intellectuel, et même à la connaissance du français qu’il avait voulu pour eux.
      Berthier parfaitement bilingue, soixante ans plus tard nous explique l’erreur de l’Abbé de l’Epée : « Pour parvenir à la traduction des mots français, l’abbé de l’Epée avait consulté les étymologies latines et grecques ; il voulut tourmenter la langue des gestes pour la plier aux habitudes et au génie de la langue conventionnelle, sans réfléchir que l’une ainsi greffée sur l’autre devenait nécessairement un contresens. La mimique [nom donné à l’époque à la lange des signes] ne reconnaît d’autre joug qu celui de la nature et de la raison ; elle a sa syntaxe immuable, opposée aux syntaxes capricieuses de nos langues, et particulièrement de la langue française. »(Berthier, Les sourds-muets… op cit, p.44).
      L’abbé de l’Epée est le premier à baser l’enseignement des sourds sur des gestes qui venaient des sourds eux-mêmes. Ils ‘est battu et à réussi à imposer à l’opinion l’idée que les sourds sont des hommes comme les autres.
      En 1791, deux ans après sa mort, l’Assemblée Nationale l’a reconnu en décrétant que son nom serait inscrit comme Bienfaiteur de l’humanité et, dans le même mouvement que les sourds bénéficieraient des Droits de l’Homme.